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BACHATA DOMINICAINE : LE CARILLON DES ANGES

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À LA DÉCOUVERTE DE LA BACHATA DOMINICAINE

Ça fait plusieurs jours que j’ai envie d’écrire sur le « son » dominicain : LA BACHATA, cette musique qui vous transporte automatiquement sous les cocotiers de la République dominicaine.

Le problème c’est que les mots me viennent quand je suis chez Manuel, au VIP ou sur la plage Nadel comme hier soir, et que ça le fait moyen de sortir un carnet et un stylo pour écrire mes pensées au milieu des dominicains assis là à boire leur bière ou leur Brugal entre deux danses. Un des premiers soirs où je suis sortie, j’ai noté quelques mots qui venaient à mon esprit sur un paquet de cigarettes mais je n’arrive plus à le déchiffrer, tant pis ça va revenir puisque l’image que j’ai dans la tête est très claire ; à force de regarder, m’imprégner et absorber ces scènes je crois pouvoir les régurgiter relativement facilement.

Une discothèque à l’air libre, un toit de béton, quelques poteaux, quelques miroirs, quelques spots, une piste de danse, des chaises en plastique et de petits tabourets qui font office de tables, les inscriptions de base peintes à la main sur les murs « No Drogas », « No Armas », « No Menores ». Parfois il est même précisé « No Armas Blancas », « No Armas de Fuego », des fois que.
Hier soir quand un mec s’est levé de sa chaise, son tee-shirt qui
s’était relevé par la même occasion m’a quand même laissé apercevoir un beau 35mm.
A l’arrière de son jean, pas devant, ça c’est une autre histoire.
250 décibels minimum dans les enceintes, moi je n’ai pas honte de le dire, je ne sors jamais sans mes bouchons de mousse pour protéger mes tympans qui ont pris cher à Ibiza en 96 (du siècle dernier, ça ne nous rajeunit pas). Donc, on peut tout juste se parler, et parce que ou en conséquence de, on n’a de toute façon pas grand-chose à se dire. Ici tout le monde (ou presque) se connaît depuis toujours ; pas de dernier film sorti à l’affiche à commenter pour voir « qui-a-le-mieux-compris-les-subtilités-et-les-messages-cachés-qu’a-voulu-faire-passer-le-réalisateur-ingénieux », pas d’expo d’artiste « avant-gardiste » à critiquer, éventuellement une rumeur à faire circuler. D’ailleurs c’est assez caractéristique, les jeunes filles font souvent une tête d’enterrement, on se demande si elles s’amusent, et pourtant.
J’en viens au fait : souvent les filles d’un côté, les gars de l’autre, elles attendent (mine de rien) qu’un homme vienne les inviter à danser.
Voilà comment cela se passe : un gars s’approche, tend la main vers la jeune fille qui la saisit d’un air nonchalant sans même le regarder, se lève, et les deux vont jusqu’à la piste, le garçon marchant devant, la jeune-fille derrière, toujours en se tenant par la main mais attention, c’est important, la main de la jeune fille doit être molle et c’est simplement une question de galanterie, l’homme fraye le passage entre les tables et au milieu de la foule pour sa partenaire. Ici on danse à deux. Bachata, merengue, salsa, reggeaton.
Je vais être incapable de décrire la bachata et je vous laisse le soin de lire cet article sur Wikipédia qui le fera bien mieux que moi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bachata
Non, le propos de mon article est de raconter ce que je ressens lorsque je regarde (je devrai dire admire) des dominicains dansant la bachata. Ici à Las Galeras et dans les autres coins de la péninsule de Samana, car à Paris dans des moments de nostalgie, je suis allée à des soirées « Dominicaines » où l’on peut même prendre des classes de bachata. Mais rien à voir, dans ces cours –bien que très bien dispensés- il y a peu de dominicains et l’on est dans une version beaucoup plus sophistiquée de celle que l’on danse ici, beaucoup plus élaborée, avec de nombreuses figures, règles de pas à respecter, etc. Et pourtant. On pourrait croire que la bachata que l’on danse dans ces villages ne soit pas digne d’intérêt. Eh bien si. Justement. Elle est authentique, elle est simple, elle est « pure ». Regardez les couples danser. Personne ne danse de la même façon, enfin pour un œil qui commence à être exercé au pas, chaque femme, chaque homme à un déhanchement différent, une allure et une grâce que personnellement je pourrai rester des heures à contempler. Sans compter que les filles sont souvent très belles, bien faites et évidemment très sexys et que les hommes ont souvent les traits si fins que ça leur donne un air angélique qui fait craquer bien des européennes.
Certains marquent bien le pas, d’autres décollent à peine leurs semelles du sol –cette impression de désinvolture voire de paresse ?-.  Il y a les amoureux, collés, la tête de la femme rarement posée sur l’épaule de l’homme, qui lui a la tête baissée comme pour mieux se concentrer sur les sentiments qu’il est en train de faire passer. Ils sont dans leur bulle. Laissons-les y. Passons plutôt au cas de figure le plus courant : la femme (ou la jeune fille) et son cavalier ne se connaissent pas ou peu (ou du moins en donnent l’impression, peut-être qu’ils sont en réalité cousins !). Le garçon regarde devant lui, la jeune-fille regarde ailleurs, toujours avec cet air d’ennui, d’indolence qui m’amuse beaucoup. Un peu comme nous parigots, lorsque nous mettons ce fameux « masque » dans le métro pour ne donner à personne l’opportunité de nous molester.
On y arrive. Alors, de façon très contradictoire, cette balade, ce « slow » sophistiqué devient très sensuel et suggestif. Le mouvement des hanches de la femme,  accompagné de la main de l’homme sur sa taille, les pas de son cavalier qui la guide, ou qui danse « autour d’elle » sur un rythme parfois différent, se transforment en une parade envoûtante mais néanmoins pudique. Entre séquences alternées de pas mécaniques et parfaitement orchestrés et de rapprochements langoureux, voire de frottements du bassin clairement assumés -mais toujours « l’air de rien »-, la bachata résonne comme quelque chose qui vient de loin, de très profondément ancré dans cette culture, comme peut l’être le tango en Argentine.
Fin du morceau. Le garçon, qui tient toujours la main de la jeune-fille la raccompagne galamment jusqu’à sa chaise, et point. Terminé. Et pourtant une autre bachata s’enchaîne. Ce sera plus tard le tour d’une autre. Nous « les blancs » sommes fascinés par ce schéma. Un couple « de quelques minutes » qui danse ensemble, parfois dans un simulacre très tendre dans le cas de la bachata qui peut aller très loin dans la simulation d’acte sexuel comme avec le reggaeton nous met en émoi et on a du mal à intégrer que cela s’arrête là. Bam bam bam, et ça tape et ça retourne dans tous les sens. J’ai vu un jour un type qui devait faire près de 2 mètres et 200 kilos danser très agilement, retourner et « cogner » dans toutes les positions une petite crevette d’un mètre cinquante et quarante kilos maximum, c’était aussi provoquant que drôle, ils étaient tous les deux consentants et acteurs. Ils ont dansé comme cela tout un morceau et chacun et reparti dans un sens différent comme si de rien, j’ai adoré car on sent bien que tout cela n’est qu’un jeu, toujours réalisé avec humour et à prendre au deuxième degré. Entre dominicains, accorder une danse n’engage à rien. Ils sont très pudiques quant à leur intimité ; ici on ne s’embrasse pas en public, et toute cette parade au son de la bachata ressemble à un carillon des anges que j’intègre avec bonheur.

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